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« Relocaliser, c’est construire un modèle plus robuste et plus juste » – Entretien avec Cycles Roold

Le 15/10/25

Dans le cadre de l’initiative Relocalisons.bzh, Bretagne Next a rencontré Ronan Prudhomme, fondateur des cycles Roold. À travers la renaissance d’une marque bretonne historique, il s’engage pour une filière vélo fondée sur le réemploi, la relocalisation et la sobriété. Un témoignage inspirant sur les défis, les freins et les opportunités d’un modèle industriel plus durable et territorial.

Cycle Roold

Pouvez-vous nous raconter l’histoire des cycles Roold? Quel a été votre motivation à créer une entreprise autour du réemploi et du recyclage de vélo ?

Dans les années 1920, la marque Roold faisait rayonner le vélo français. Quand j’ai découvert que cette prestigieuse marque avait existé, il y a un siècle, ici en Bretagne, ça a été un déclic. J’ai voulu lui redonner vie, mais avec une nouvelle mission : construire des vélos durables à partir de vélos existants, en limitant l’impact environnemental, en valorisant le patrimoine industriel breton, et en remettant de la cohérence dans notre manière de produire.

Avec Roold, nous avons choisi de créer une filière de remanufacture de vélos. Chaque année, 1,5 million de vélos sont détruits en France alors qu’ils pourraient rouler encore longtemps. Nous travaillons avec des ressourceries, des éco-organismes, et des industriels engagés pour collecter, refabriquer et remettre en circulation des vélos durables et désirables, tout en réduisant drastiquement leur empreinte carbone.

Votre parcours personnel a-t-il influencé la création de cette entreprise ?

En effet, l’idée est également née d’un périple. J’ai voyagé pendant deux ans à vélo, puis à travers l’Europe en famille. Ces années passées sur la route ont profondément changé mon regard sur le monde : j’y ai appris la sobriété, la liberté, et surtout l’importance de faire durer les choses. J’ai vu partout des vélos abandonnés, alors qu’ils pouvaient encore rouler pendant des années. C’est là que l’idée a commencé à germer.

Elle a été nourrie par mon expérience dans la construction bois qui m’a transmis le goût du travail artisanal bien fait, des matériaux durables et locaux, dans le respect des ressources.

Roold, c’est le fruit de ce parcours. C’est ma manière de contribuer à une transition concrète, locale et optimiste.

Quels sont à votre avis les bénéfices de la localisation ou la relocalisation pour les entreprises ?

Dès le départ, on a fait le choix de la localisation, pas seulement comme un argument, mais comme un pilier de notre modèle. Ce n’était pas une option marketing : c’était une condition de cohérence. Les bénéfices sont nombreux.

Sur le plan environnemental, produire local, c’est réduire drastiquement les transports, donc les émissions. C’est aussi pouvoir travailler avec des partenaires qu’on connaît, qui partagent nos valeurs, et qui s’inscrivent dans des logiques d’économie circulaire ou de sobriété.

Économiquement, la relocalisation permet de sécuriser ses approvisionnements, de gagner en réactivité, et de mieux maîtriser la qualité. Oui, produire ici coûte parfois plus cher à l’unité, mais le coût global est plus juste et plus stable dans le temps. Et surtout, ça crée de l’emploi et de la valeur sur le territoire.

En termes de souveraineté, c’est crucial. La filière du vélo, comme beaucoup d’autres, est aujourd’hui ultra-dépendante de l’Asie. En relocalisant, on retrouve une capacité à produire, à réparer, à innover ici, en France. C’est une façon de ne pas subir.Enfin, sur le plan de la réputation, ça change tout. Nos clients — qu’ils soient particuliers ou pros — ne veulent plus acheter n’importe quoi, n’importe où. Ils veulent du sens, de la transparence, de la proximité. Et ça, on ne peut pas le fabriquer à l’autre bout du monde.

Bref, localiser, ce n’est pas revenir en arrière. C’est construire un modèle plus robuste, plus juste, plus aligné avec les enjeux d’aujourd’hui.

Cycles Roold

 

En signant la charte « Je relocalise mes achats en Bretagne », quelle est votre motivation ?

D’abord, c’est un engagement fort à promouvoir et valoriser notre territoire. La Bretagne regorge de savoir-faire, d’acteurs engagés et d’une richesse industrielle qu’il faut soutenir et faire vivre.

C’est aussi intégrer une communauté de responsables partageant les mêmes valeurs, prêts à œuvrer ensemble pour un modèle économique plus durable, local et solidaire.
Enfin, c’est affirmer notre volonté de réinventer la filière vélo en Bretagne, en montrant que la relocalisation est une solution concrète aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques actuels. »

Relocaliser, ce n’est pas revenir en arrière. C’est construire un modèle plus robuste, plus juste, plus aligné avec les enjeux d’aujourd’hui.

Ronan Prudhomme

fondateur des cycles Roold.

Quels sont les freins. Quelle difficulté avez-vous rencontré ?

Le premier frein, c’est la rareté des savoir-faire industriels dans le vélo en France. Pendant des décennies, la filière a été délocalisée : il reste très peu d’ateliers capables de produire ou de transformer certaines pièces, surtout en petites ou moyennes séries.

Ensuite, il y a la question des coûts. Produire localement est souvent plus cher à court terme. Il faut expliquer cette logique aux clients, aux distributeurs, aux financeurs. On est à contre-courant d’un modèle économique basé sur le prix bas et le volume. Ça demande de la pédagogie, de la transparence, et surtout du temps.

Pour finir, il y a la complexité réglementaire et logistique du réemploi. Entre le statut des pièces, les obligations des éco-organismes, la traçabilité… ce n’est pas toujours simple de faire bien et de le faire dans les règles.

Quels types de soutiens ou de ressources vous aideraient à surmonter ces freins et à aller plus loin dans votre mission d’achat local et de relocalisation ?

D’abord, un appui industriel structuré. La filière vélo locale a besoin de se renforcer et de mutualiser ses compétences. C’est justement ce que nous avons commencé à faire en faisant entrer le groupe Rebirth au capital de Roold. Cette alliance industrielle nous apporte un soutien précieux en termes d’expertise, de moyens de production et de réseaux, pour structurer une filière plus locale et performante. Ce type de partenariat est clé pour réussir la relocalisation à grande échelle.

De plus, un accompagnement financier adapté. Produire localement et travailler le réemploi demandent des investissements spécifiques qui ne correspondent pas toujours aux modèles financiers traditionnels. Nous avons besoin de fonds d’amorçage, de subventions ciblées ou de prêts à impact pour continuer à développer ce modèle vertueux.

Enfin, on a besoin de reconnaissance et de relais. Des collectivités qui jouent le jeu de l’achat responsable, des labels qui valorisent vraiment les démarches locales, des prescripteurs qui nous soutiennent dans la durée. C’est comme ça qu’on pourra faire évoluer les mentalités et réancrer toute une filière sur les territoires. »

Avez-vous identifié des axes d’amélioration ou des opportunités pour renforcer votre ancrage local grâce à ce calcul ?

Même si notre démarche locale est déjà bien ancrée, ce calcul nous a permis de confirmer l’importance de poursuivre nos efforts, notamment en explorant de nouvelles collaborations avec des fournisseurs ou partenaires encore plus proches ou spécialisés.
Il nous rappelle aussi qu’il faut rester vigilants sur l’ensemble de la chaîne, y compris sur certains composants plus techniques qui restent parfois difficiles à sourcer localement.

Quelles actions envisagez-vous pour aller encore plus loin dans votre démarche de relocalisation et d’achat responsable ?

Nous souhaitons nous faire une place dans les magasins de vélos, en positionnant nos vélos remanufacturés au même niveau que les vélos neufs, et en rendant cet achat désirable pour les consommateurs. L’objectif est de changer les perceptions et de valoriser le réemploi comme une véritable alternative de qualité.
Par ailleurs, nous voulons développer notre présence dans les appels d’offre, notamment ceux qui intègrent des obligations de réemploi.

Avez-vous déjà des projets en cours ou des idées pour renforcer votre ancrage local, que ce soit par des partenariats, des nouvelles sources d’approvisionnement ou des innovations ?

Oui, nous avons déjà des projets concrets pour renforcer notre ancrage local. Le rapprochement avec Rebirth nous ouvre l’accès à un grand réseau de distribution ainsi qu’à leur plateforme industrielle en France.
Cela nous permet de bénéficier de moyens techniques et logistiques importants, tout en consolidant nos partenariats locaux. Ce partenariat est un vrai levier pour accélérer notre développement et renforcer notre ancrage territorial.

Pour finir, auriez-vous un message ou un conseil à partager avec d’autres entrepreneurs qui hésitent à se lancer dans une démarche d’achat local ?

L’achat local, ce n’est pas seulement une question de provenance, c’est aussi une manière de construire une entreprise plus durable, plus responsable, plus connectée à son territoire, et de faire valoir une identité forte qui vous distingue. Alors, foncez, c’est un choix gagnant pour vous, pour votre territoire, et pour la planète.

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