Sur l’île de Groix, en Bretagne Sud, Groix et Nature incarne depuis 25 ans une autre manière d’entreprendre : sobre, enracinée, exigeante. Pour Marianne Guyader, dirigeante, la relocalisation n’est pas une nouveauté à adopter, mais un principe fondateur.

Une entreprise née d’un territoire, fidèle à son insularité
Depuis 2000, Groix et Nature produit des recettes de la mer sur l’île de Groix. Au quotidien, 35 collaborateurs défendent la même vision artisanale et durable. “Pour choisir nos matières premières, nous ne voulions pas sortir de l’Atlantique Nord-Est. Le local est notre socle, pas un effet de mode”, souligne Marianne Guyader.
Cette logique insulaire structure d’ailleurs toute l’activité. “Travailler à l’échelle d’une île, c’est expérimenter avant tout le monde les tensions sur l’eau, les déchets, l’énergie. Face aux éléments, nous avons appris à être résilients et robustes.” Cet ancrage insuffle une exigence constante dans les choix économiques et écologiques.
Préserver un environnement fragile : un devoir quotidien
Bien avant que la RSE ne devienne un standard, Groix et Nature mettait en œuvre la durabilité. L’entreprise a réduit de 40 % sa consommation d’eau grâce au programme ÉCOD’O, baissé de 20 % son empreinte énergétique avec le programme ECO FLUX, et réutilisé plus de 5 tonnes de cartons depuis 2021.
“Aujourd’hui, l’activité agroalimentaire est contrainte par de nombreuses normes. Mais cela fait longtemps que nous avançons dans ce sens de la redevabilité. La vraie question demeure : quel cap à dix ans ? Et comment valoriser notre démarche auprès du territoire et des consommateurs », interroge Marianne Guyader.
Le défi consistera à hiérarchiser les actions, avancer selon les moyens, et surtout, collaborer. “Ce qui nous fait avancer, c’est le collectif. Nous avons intégré le parcours Convention des Entreprises pour le Climat (CEC), dont la raison d’être est de rendre irrésistible la bascule de l’économie extractive vers l’économie régénérative en 2030. Nous avons besoin de groupes d’entreprises, même concurrentes, pour partager les bonnes pratiques.”
Transparence et intégrité, pas juste des mots
L’entreprise est labellisée EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant), elle est certifiée IFS (International Featured Standard) et a obtenu dernièrement le label Bretagne 26000. Mais au-delà de ces reconnaissances, c’est la cohérence qui compte. “Nous passons beaucoup de temps à expliquer notre démarche. Ce flou sur la réalité du secteur agroalimentaire crée une défiance que nous sommes obligés de prendre en compte. »
Nous choisissons nos partenaires avec soin. La confiance, la qualité, la régularité, c’est essentiel. Le circuit court, c’est aussi un dialogue permanent
Marianne Guyader
Dirigeante Groix & Nature
Relocaliser les achats : de la logique à la faisabilité
Groix et Nature suit depuis plusieurs années un indicateur interne sur la localisation des fournisseurs. “Pour nous, ce n’est pas nouveau. Nous l’expérimentons au quotidien et nous savons que ce choix du local est parfois contre intuitif car acheter local coûte souvent plus cher. L’indice IBAL (Indice breton de l’achat local) est à ce titre un bon point de départ, mais il doit évoluer vers quelque chose de plus fédérateur. Il faut que ce soit utile aux entreprises, pas juste une grille d’analyse. À quand un retour d’expérience collectif sur un territoire ?”
99 % en 2024 des fournisseurs de Groix et Nature sont français. Une part importante des achats provient de fournisseurs Bretons (54%). Plusieurs références sont fabriquées avec du poisson « pêche bretonne » (pêchés par des bateaux bretons, débarqués en Bretagne et filetés en Bretagne), les pleurotes viennent de Belle-Île et d’autres légumes de Groix.
Cette proximité permet un lien direct avec les producteurs. “Nous choisissons nos partenaires avec soin. La confiance, la qualité, la régularité, c’est essentiel. Le circuit court, c’est aussi un dialogue permanent”, explique Marianne Guyader.
Relocalisation et RSE : un fil rouge cohérent
Pour Groix et Nature, relocaliser n’est pas un acte isolé, mais un pan entier de sa stratégie RSE. Cela touche l’environnement (empreinte carbone, gestion des déchets), l’économie locale (emploi, fournisseurs), le social (qualité de vie, inclusion).
“On ne peut plus opposer performance économique et impact territorial. Relocaliser, c’est assumer une vision à long terme, même si ce n’est pas toujours rentable à court terme.”
L’IBAL permet de faire le pas de côté
Déjà très engagé sur le local, Groix et Nature a trouvé dans l’indice IBAL une méthode utile pour affiner sa lecture de la chaîne d’approvisionnement. En basculant d’une simple comptabilité du nombre de fournisseurs à une analyse par chiffre d’affaires, l’entreprise a pu détecter des postes d’achat restés sous les radars. “Certains petits volumes non bretons passaient inaperçus. Grâce à l’IBAL, on les a identifiés et questionnés. Il y a parfois des opportunités de relocalisation là où on ne les attendait pas.” Le travail de priorisation est en cours, avec une ambition claire : à partir de cette cartographie, avancer avec stratégie et méthode.
Un avenir collectif en pleine mutation
Pour l’avenir, Groix et Nature veut continuer à explorer le végétal, renforcer ses filières, et structurer une communauté d’entreprises engagées dans la relocalisation. “Les acteurs économiques ont besoin de repères, de comparaisons, de retours d’expérience. L’IBAL ne doit pas rester un outil isolé, mais un levier de transformation collective.”
En effet, c’est ce que à quoi s’emploient les partenaires du projet Relocalisons.bzh et notamment les fédérations et les réseaux d’entreprises dans leur démarche fédératrice de sensibilisation et d’accompagnement.



