Le bubble tea, ce breuvage coloré venu de Taïwan, séduit les jeunes générations par son originalité et sa texture surprenante. En France, l’engouement est palpable, mais rares sont les entreprises à l’avoir abordé sous l’angle de la relocalisation. À contre-courant d’un modèle fondé sur l’importation, Spher’ Innov, fondée en 2019, incarne une alternative crédible, éthique et profondément ancrée en Bretagne. Installée à Guidel, dans le Morbihan, avec un siège social à Clohars-Carnoët, la société fait figure de pionnière. Elle démontre qu’il est possible de réinventer une boisson mondialisée pour en faire un produit local, en circuit court, maîtrisé de bout en bout.

Genèse d’un projet local : retour aux sources
Une entreprise née d’une passion pour les boissons bio
Derrière Spher’ Innov, il y a d’abord une aventure humaine, celle d’Amande Valladier, dirigeante, et de Xavier Mondy co-dirigeant. Au départ, l’équipe proposait des thés, cafés et chocolats bio en achat-revente, souvent en lien avec les valeurs de commerce équitable. Dès le départ de cette aventure, ls commercialisent leur bubble tea sur un site e.commerce.
« Nous ne trouvions pas vraiment de bubble tea localement, donc nous nous sommes dit que ça plairait pour l’été. C’était ludique, original, et ça parlait aux ados », se souvient Xavier Mondy. Bubble tea devient un des produits phares de leur gamme estivale. Mais l’enthousiasme initial s’accompagne d’une prise de conscience : le modèle repose entièrement sur l’importation. Et surtout, sur des chaînes logistiques longues et fragiles.
De l’importation asiatique à l’envie d’autonomie locale
En discutant avec leurs clients et partenaires locaux, Amande Valladier et Xavier Mondy, commencent à entrevoir une autre voie. Le bubble tea plaît, mais pourquoi ne pas le réinventer à la bretonne ? La question, posée au départ presque comme un défi, va vite devenir une obsession.
Les premières recherches montrent qu’il est techniquement possible de fabriquer les fameuses perles de bubble tea à base d’alginate, à condition de surmonter plusieurs obstacles techniques. Produire localement impliquerait non seulement de trouver les bons ingrédients, mais aussi de concevoir un outil industriel adapté. Une mission ambitieuse, mais alignée avec les valeurs de durabilité, de traçabilité et de transparence portées par l’équipe fondatrice.
2021, l’année décisive
La crise asiatique : un tournant stratégique
L’année 2021 marque un virage. Une sécheresse sans précédent en Asie bouleverse les chaînes d’approvisionnement de nombreux secteurs, du thé jusqu’aux composants électroniques. Spher’Innov. La dépendance aux importations devient un risque majeur.
“C’était le signal d’alarme. Nous avons compris que notre modèle n’était pas viable à long terme, confie Amande Valladier L’instabilité du marché mondial nous a fait réaliser qu’il est facile de perdre le contrôle sur l’approvisionnement. Nous voulions savoir exactement ce que nous mettions dans nos produits.”. La solution ? Ne plus subir, mais créer. Et créer localement.
C’est alors que commence le virage vers la relocalisation de la production. Objectif : produire en Bretagne, avec des ressources bretonnes, pour sécuriser l’approvisionnement, réduire l’empreinte carbone, et surtout reprendre la main sur l’ensemble du processus. « Nous avons commencé par les ingrédients : étaient-ils sourcables localement ? Puis est venue la question de la machine. Nous ne trouvions pas l’équipement idéal pour l’usage que nous voulions en faire, c’est-à-dire des sphères de différentes tailles, alors nous l’avons développée nous-mêmes. »

L’audace de l’innovation made in Bretagne
Une machine bretonne unique pour des perles sur mesure
L’un des points clés de cette relocalisation est la machine de sphérification, développée sur mesure avec des partenaires industriels bretons. Elle permet de produire des perles d’alginate de tailles variées, avec une régularité et une précision qui n’ont rien à envier aux machines taïwanaises.
« Nous voulions un outil qui corresponde à notre besoin, pas à un standard industriel mondial. Nous avons misé sur la modularité et la maintenance locale », explique Xavier Mondy.
Trois ans de R&D pour relocaliser une technologie
Trois ans. C’est le temps qu’il a fallu pour que la machine soit pleinement opérationnelle. Pendant cette période, Spher’Innov a jonglé entre tests, prototypes, et adaptations.
Mais ce délai a été mis à profit pour construire un savoir-faire unique. “Ce virage fut risqué ! Trois ans de R&D, c’est un investissement colossal pour une PME. Mais aujourd’hui, nous sommes satisfaits du résultat et nous avons sécurisé nos chaines de valeur.”
Un choix qui porte aujourd’hui ses fruits. La production est désormais stable, continue, et surtout, contrôlée à chaque étape. Cela ouvre aussi des perspectives de diversification pour l’avenir : imaginez des perles de café, de miel, ou même de cognac ?
La relocalisation au cœur de l’ADN de Spher’Innov
Des ingrédients sourcés localement
Relocaliser, ce n’est pas seulement produire, c’est aussi acheter localement. Spher’Innov travaille avec Algaia, une entreprise bretonne qui fournit l’alginate extrait des algues récoltées en Bretagne. Les kits matcha sont enrichis avec du miel local, et les autres arômes sont sélectionnés avec attention dans une logique de proximité.
Des contenants relocalisés et repensés
Autre symbole fort : les contenants. Longtemps importés d’Allemagne ou de Chine, les pots en verre sont désormais fabriqués en France. Les capsules et les étiquettes proviennent de Bretagne. Une démarche qui permet non seulement de réduire les distances, mais aussi de soutenir l’économie circulaire.
L’empreinte carbone, une boussole de chaque décision
Chaque choix est désormais guidé par une logique de réduction d’empreinte carbone. L’entreprise vient de calculer son Indice breton de l’achat local, un outil permettant de quantifier l’impact territorial de ses décisions d’achat.
Cet outil permet en effet de quantifier la démarche de relocalisation et de faire le point sur les achats qui peuvent être aisément relocalisés. Une fois posé, l’Indice breton de l’achat local est un point de départ pour permettre aux entreprises de sécuriser et décarboner leurs achats.
Avec déjà une forte implantation locale et une production internalisée, Spher’Innov explore aujourd’hui de nouvelles pistes de développement au cœur de l’économie circulaire bretonne. Les perles en alginate, au-delà du bubble tea, pourraient bientôt trouver leur place dans d’autres univers gourmands, comme les brioches artisanales. Toujours en quête de partenariats régionaux, l’entreprise poursuit son sourcing local – à l’image de la relocalisation récente de ses pots en verre – et compte bien renforcer encore son ancrage.